D’abord des extraits de l’intervention de la rapporteure, puis notre avis.
La commission des lois examinait le 2 avril 2025 la « PPL visant à harmoniser le mode de scrutin
aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité ». C’est Delphine Lingemann, rapporteure, de la proposition de loi modifiée par le Sénat, députée de la formation Ensemble, qui prend la parole. « Nous serons d’accord sur deux constats concernant la vie politique locale : la crise généralisée de l’engagement local, qu’il soit politique ou associatif et qui se pose avec encore plus d’acuité dans les petites communes et l’absence de parité dans les conseils municipaux des plus petites communes. Les femmes ne représentent que 37,6% des conseillers municipaux dans les communes de moins de 1.000 habitants. Cette absence de parité est directement liée au mode de scrutin applicable dans ces communes, le scrutin majoritaire plurinominal à deux tours avec un système de panachage. A contrario, dans les communes de mille habitants ou plus, où le scrutin de liste est obligatoire, la parité est quasiment atteinte puisque la part des femmes dans les conseils municipaux s’établit à plus de 45%. (…) Faire confiance à nos maires, à nos élus locaux, passe aussi par la fin d’un scrutin dépassé, applicable aux seules communes de moins de mille habitants. Le système de panachage a pour conséquence une forte personnalisation de l’élection. Ce système parfois nommé ‘tir-au-pigeon’, qui permet aux citoyens de rayer le nom d’un candidat, a des effets pervers : il décourage l’engagement et les vocations. Il est vécu comme une véritable punition, dont bien souvent les premières victimes sont les maires sortants, qui ne sont jamais les conseillers les mieux élus. Il se révèle également un obstacle à la réalisation de projets collectifs par une équipe municipale. C’est pourquoi l’extension du scrutin de liste paritaire aux communes de moins de mille habitants est une réforme absolument indispensable et attendue. Elle reçoit le soutien de toutes les associations d’élus locaux. Le scrutin de liste va permettre de donner un nouveau souffle à la démocratie locale, en attirant de nouveaux talents – qu’ils soient féminins d’abord mais aussi masculins par le renouveau profond du mode de fonctionnement des équipes municipales qu’il induit. Dans toutes les communes, une équipe solidaire sera élue pour porter un projet politique et l’élection se fera autour du triptyque : une commune, une liste, un projet. C’est aussi un gage de simplification et de lisibilité pour les citoyens et les élus à l’heure où la mobilité s’accroît. (…) A tous ceux qui nous disent qu’il est trop compliqué pour les maires des petites communes de trouver des femmes pour composer leur liste, je leur demande : Quel maire d’une commune de moins de cent habitants n’est pas capable de trouver au moins deux femmes dans sa commune prêtes à s’engager. Quel maire d’une commune de cinq cents habitants n’est pas capable de trouver au moins quatre femmes dans sa commune prêtes à s’engager. Enfin, quel maire d’une commune de mille habitants n’est pas capable de trouver au moins six femmes dans sa commune prêtes à s’engager.
(…) Il faut être lucides. Ces propositions de loi ne résoudront pas à elles seules la crise de l’engagement local. Il conviendra d’adopter des mesures complémentaires dans le texte sur le statut de l’élu local, notamment des dispositifs pour permettre à tous les élus, hommes et femmes, de mieux concilier l’exercice de leur mandat avec leur vie professionnelle et personnelle… »
NOTRE AVIS.
Les communes de moins de 1.000 habitants restaient les dernières qui, pour les élections municipales, accordaient aux électeurs la possibilité de rajouter sur les bulletins des noms, d’en rayer. Cette liberté avait été retirée aux citoyens des communes de 1.000 à 3.500 habitants en 2008. Le parlement parle « d’améliorer la vitalité démocratique » En ne voyant qu’une moitié de l’équation : les élus. Certes, il faut trouver des solutions au problème du manque de vocation pour occuper les fonctions d’élu local. Mais cela doit-il passer par la réduction de l’intervention des électeurs ? On comprend qu’une demande de reconnaissance du vote blanc pour ces élections particulières aurait attiré comme argument contre, le fait que cela pourrait empêcher certains candidats d’être élus. Ce n’est pas ainsi qu’il faut envisager cette situation. Etendre la palette accordée à l’électeur, c’est donner plus de sens à son acte et donc l’inciter davantage à venir voter. En faisant cela, on crée une dynamique qui peut rejaillir sur la volonté d’implication dans la vie de la commune.
Sur l’ensemble du territoire, les femmes sont plus nombreuses que les hommes. C’est très probablement le cas pour les habitants des communes de moins de mille habitants. Cette réforme visant à permettre à plus de femmes de devenir conseillères municipales retire donc à plus d’électrices que d’électeurs la possibilité de donner plus de subtilité à sa voix dans les urnes. Des législateurs plus attentifs à ce qu’ils font auraient pu agir pour le premier objectif sans pour autant dégrader le pouvoir d’expression des citoyens de ces communes. En effet, le risque est, comme l’ont soulevé les députés cités ci-dessous, que le scrutin de liste aboutisse à ce que plus de communes ne voient en compétition qu’une seule liste et que dans tous les cas les électeurs votent les mains liées.
Michel Guiniot (RN). « Ce sont les élections qui mobilisent le plus d’électeurs, hors COVID ; une participation constante entre 60 et 80%. Les difficultés viennent de l’engagement et du statut de l’élu, non du mode de scrutin. En 2020, 106 communes ont été sans candidat ou sans liste, dans des petites communes pour 96%. Ce chiffre a presque crû de 66% en 6 ans.
Avec le scrutin de liste que la réforme porte, il s’agit d’une entrave grave à la liberté de choix de nos concitoyens. Si vous supprimez le panachage des candidats isolés, comment voulez-vous qu’une seconde liste puisse se constituer pour manifester une opposition qui a le droit d’exister. »
Philippe Gosselin (LR) est contre. Mesure technocratique. « Ce texte est une méconnaissance des réalités locales. On a aujourd’hui une grande souplesse de fonctionnement au moment des élections dans les petites communes. C’est une liberté de choix qui me paraît essentielle.
Paul Molac (LIOT) s’inquiète aussi du risque de voir le nombre d’élections avec une seule liste en lice augmenter.
Fabrice Brun (LR) demande de supprimer l’article 1. « Faites-le aussi pour les citoyens. Aujourd’hui, dans les petites communes, les électeurs tiennent à la liberté de voter individuellement pour des candidats et ces scrutins de liste les privent de ce droit. Nous, députés, sommes garants des libertés fondamentales. » (…) « Le panachage dans les communes de moins de mille habitants a toujours existé. C’est une liberté. On parle beaucoup des élus mais il faut aussi parler des électeurs. Quand on panache, le conseil municipal qui est élu est le fruit du vote du peuple souverain. »