mars 29, 2024

Echanges avec le ministère de l’intérieur

Dans un courrier du mois de juin 2017, le chef de cabinet nous informe qu’il a transmis au secrétariat général notre lettre.


LETTRE AU NOUVEAU
MINISTRE DE L’INTERIEUR
(mai 2017)

Monsieur le Ministre,

          Nous n’avons pas l’habitude d’écrire à tous les ministres de l’intérieur. Seulement quand nous pouvons espérer une réponse non pas mécanique mais ayant du sens. Le nouveau Président représente la jeunesse, l’intelligence, la nouveauté, le refus des positions strictement politiciennes. Vous l’avez soutenu très tôt et à ce titre nous pouvons penser que ce sont ces qualités qui vous ont convaincues et que vous tenez à les mettre en action dans le ministère qui vous a échu.

            Nous souhaiterions savoir si, d’un point de vue institutionnel, votre mission va se limiter à la moralisation de la vie politique, centrée seulement sur le statut des élus, ou si vous jugez indispensable de revoir le rôle de l’électeur au XXIè siècle. Depuis 1994, nous agissons pour obtenir que les bulletins blancs soient enregistrés comme des suffrages exprimés. Pour que l’Etat montre enfin qu’il ne considère plus les citoyens comme des enfants à qui il faut tenir la main mais comme des êtres responsables. Le président Emmanuel Macron peut se réjouir de n’avoir pas obtenu comme le candidat Jacques Chirac en 2002 au second tour un score supérieur à 80%. S’il peut espérer mener SA politique, c’est grâce aux votes blancs. Et si ceux-ci avaient été des suffrages exprimés, il aurait enregistré un score encore plus proche de la réalité ce qui aurait renforcé sa légitimité.

            Merci de nous adresser votre position sur le vote blanc. Si vos services nous envoient l’argumentaire standard qui se répète de ministre en ministre depuis 30 ans, nous aurons compris que les discours tenus pendant la campagne n’étaient que de la poudre aux yeux, comme d’habitude. Si une nouvelle réflexion naît, nous serons heureux de la discuter.

            Au plaisir de vous lire.


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Nous avons interrogé le ministère sur le bilan qu’il faisait de la réforme sur le vote blanc du 21 février 2014 après les élections européennes. Il nous a répondu.

LE MINISTERE EST SATISFAIT DE LUI
 C’est une réponse technique à un questionnement politique de notre part. Comme la modification du Code électoral adoptée le 21 février disait répondre à l’attente de ceux qui votent blanc, nous demandions au ministère (revoir ce texte dans la lettre d’accompagnement du BVB N°143 de juin) s’il pensait vraiment que le vote blanc aux Européennes permettait aux électeurs ‘blanc’ de mieux se sentir entendus. Nous apportions des éléments qui eux allaient dans le sens contraire.
Le ministère nous retourne la copie sur laquelle il s’est attribué un TB. On apprend que l’électeur curieux et pressé pouvait obtenir dès la fin du dépouillement le nombre de bulletins blancs pour… son bureau de vote… Mais aux municipales de mars, le même électeur impatient pouvait le connaître puisque sur le registre les bulletins blancs étaient séparés des bulletins nuls.
Pour le niveau national, le ministère confirme ce que nous constations, c’est-à-dire qu’il fallait attendre le lundi pour connaître le résultat sur le site du ministère. Certes, le gouvernement n’est pas responsable des chiffres que retiennent et annoncent les médias le soir du spectacle électoral. Mais dire que la personne qui a voté blanc n’a pas eu un accès plus facile au résultat qu’auparavant aurait été la moindre des honnêtetés de la part du ministère.

Le ministère nous dit que l’électeur a été bien informé par les affiches placées dans l’isoloir. Cela signifie que près de 100% des gens qui ont voté blanc savaient qu’ils pouvaient le faire par une enveloppe vide. On le leur mettait en évidence, sous leurs yeux. En quoi un bulletin blanc officiel mis sous leurs yeux quand ils passaient devant la table à cet effet les aurait plus incités à le choisir que de ne rien mettre dans l’enveloppe comme c’est possible actuellement ? L’altération de la « sincérité du vote » reste à m’expliquer. La perception de l’électeur par le ministère est très étrange, il nous en fait quelqu’un de bizarre. Insistons :  
Comment un bulletin blanc officiel à côté des autres bulletins pourrait plus inciter l’électeur à trahir sa première intention qu’une annonce très voyante mettant l’accent sur la facilité de voter blanc grâce à l’enveloppe vide ? Soit le ministère reconnaît implicitement qu’une pile de bulletin se voit mieux que leurs affiches ignorées par beaucoup de gens, soit il nous prend pour des imbéciles. Aucune des deux hypothèses n’est plaisante pour nous.

Le ministère termine par le point le plus sensible, l’égalité du vote blanc avec les bulletins nominaux. Il nous fait le bonheur de ne pas ressortir toute la prose habituelle. Foin de la tradition républicaine de 1852 (!!), de l’élection qui ne sert qu’à élire quelqu’un, de la difficulté à connaître l’intention de l’électeur, du vote blanc soutenant le ‘non’ aux référendums… L’argument qui est utilisé était déjà cité par les prédécesseurs ; il s’agit des seuils fixés pour déterminer soit un remboursement des frais de campagne, soit les candidats retenus pour le second tour, soit le vainqueur du second tour de la présidentielle. Le ministère en fait des réalités intangibles, inhérentes à l’acte électoral pour rejeter une mesure qui respecterait le principe fondateur d’égalité. Pour nous, la mise en pratique d’une valeur républicaine essentielle est prioritaire et c’est à ces points techniques de s’adapter (on les baisse ou les monte), de s’incliner face à celle-ci et non l’inverse. Le vote blanc est une question politique, pas une question technique. 

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MONSIEUR CAZENEUVE, MINISTRE DE L’INTERIEUR

Lettre au ministre de l’intérieur, dès sa nomination, mai 2014:


            Monsieur le Ministre,

 
            Vous n’étiez pas encore en fonction quand votre majorité a décidé de faire avancer le droit électoral en aménageant le statut du vote blanc. La loi du 21 février 2014 a modifié le Code électoral, distinguant le vote blanc du vote nul. Effective à compter du 1er avril, cette réforme a été mise en pratique pour la première fois à l’occasion des élections européennes du 25 mai.
            Quand nous avions été auditionnés par le député François Sauvadet – initiateur pour l’UDI de la proposition de loi – en novembre 2012, nous avions fait part de notre opposition à cette fausse avancée. Pour nous, c’est quand le vote blanc sera pris en compte comme un suffrage exprimé que la démocratie électorale aura véritablement progressé.
            Pour l’instant, nous nous permettons de vous interroger pour un premier bilan du gouvernement sur cette mesure. Voici les questions que nous nous posons et les réponses que vous y faites nous intéressent tout particulièrement.

  1. La personne qui voulait connaître le nombre de bulletins blancs déposés le 25 mai a-t-elle pu avoir la réponse plus vite et plus facilement qu’avant ? Selon nous, non. Votre administration n’a donné le résultat du vote blanc sur le site ‘interieur.gouv.fr’ que dans le courant de la journée du 26 mai, exactement comme à l’époque des bulletins ‘blancs ou nuls’.
  2. Les télévisions et les radios ont-elles donnés une estimation du vote blanc avant 20H et après ? Non, de toute évidence. Un vote qui n’a aucune influence sur la répartition des sièges et qui n’a pas l’ampleur de l’abstention ne peut pas être jugé intéressant par des médias qui ont une audience à atteindre.
  3. Connaît-on mieux le vrai résultat du vote blanc ? Non, et au contraire, aujourd’hui, c’est plus confus qu’avant. Le vote blanc est plus important que le vote nul aux européennes de 2014. A quoi est-ce dû ? Au fait que les députés socialistes n’ont pas suivi – et les députés UDI s’en sont longuement indignés le 12 février en séance publique – les sénateurs qui voulaient que les enveloppes vides soient exclues de la catégorie ‘vote blanc’. On sait que les enveloppes vides ont toujours été les plus nombreuses dans les votes blancs ou nuls. Le fait de les ranger dans une catégorie ou une autre modifie la lecture que l’on aura de ce qu’ont voulu dire les électeurs, à partir du moment où l’on considère les bulletins nuls comme des suffrages orduriers ou relevant d’une erreur de manipulation. Parce que la mesure que le gouvernement précédent a obtenu est celle-ci :

glorifier en les censurant les bulletins blancs et dénigrer les bulletins nuls alors que la réalité est beaucoup plus complexe. Des études universitaires ont montré que pratiquement tous – plus de 99% – des bulletins ‘blancs ou nuls’ sont dans la démarche et l’esprit des votes blancs.

  • L’électeur ne se laisse-t-il vraiment pas aller à la facilité en n’ayant pas à disposition dans les bureaux de vote des bulletins blancs ? C’est l’argument qui a permis de faire passer cette mesure fondée avant tout sur le fait que, l’Etat étant en faillite, cela coûterait trop cher à la République. Et du coup, l’enveloppe vide est devenue un vote blanc (!?). On sait que l’enveloppe vide est ‘repérable’ par les scrutateurs quand l’électeur dépose son vote dans l’urne. Le député Maurice Leroy et les sénateurs Yves Détraigne et Roland Courteau ont interrogé vos services au sujet de cette absence de bulletins blancs officiels dans les bureaux de vote. Votre réponse nous intéressera.

Mais nous, ici, nous relevons que deux pays ont étrenné en 2014 un vote blanc exclu des suffrages exprimés : la France et l’Inde. En Inde, il n’y a qu’un seul bulletin avec la liste des candidats, plus une case ‘Pour aucun d’entre eux’. Les électeurs indiens avaient donc le fruit de la tentation sous les yeux. Et pourtant, seuls 1,1% d’entre eux ont coché cette case. Les électeurs français, à qui on avait caché ‘ce sein qu’ils ne devaient pas voir’ ont été plus du double à déposer un bulletin blanc.
Nous sommes plus optimistes que les législateurs. Si le vote blanc devenait un suffrage exprimé, les électeurs n’y recourraient que s’ils le jugeaient utile et non pour le plaisir de bloquer les institutions.
 
            Nous ne doutons pas que vos services ont, avec le sérieux qui les caractérise, fait un premier bilan de cette nouvelle mesure. Nous souhaiterions en connaître la teneur.

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Autre façon de présenter notre questionnement.

4 questions pour un bilan des élections européennes en France

ET IL EST OU LE VOTE BLANC RECONNU ?
 Les parlementaires et les membres du gouvernement nous ont répété pendant tout le temps de la navette entre l’Assemblée et le Sénat de la proposition de loi de l’UDI que le texte apporterait une grande satisfaction aux défenseurs du vote blanc. En le distinguant du vote nul, le vote blanc allait prendre toute sa dimension et rien ne servait de l’intégrer aux suffrages exprimés.

La première élection appliquant cette mesure vient d’avoir lieu. Un premier bilan s’impose:

–  La personne qui voulait connaître le  nombre de bulletins blancs déposés le 25 mai a-t-elle pu avoir la réponse plus vite et plus facilement qu’avant ? NON. Comme par le passé, il aura fallu attendre le lendemain et aller sur le site du ministère de l’intérieur, ce que peu de gens font. Peu de journaux auront donné l’information. Pas de progrès de ce côté là. Et que l’on ne dise pas qu’il faut le temps que cette mesure s’installe dans les habitudes. C’est plutôt cette année, quand le vote blanc connaissait cette modification, que les médias auraient dû être enclins à y porter un projecteur. Pas dans dix ans, au moment où ce même changement aura été oublié.

– Les télévisions et les radios auront-elles donné une estimation du vote blanc avant 20H et après ? NON. Si les abstentionnistes ont toujours aussi vite connu leur score, ceux qui ont voté blanc sont restés autant dans l’ignorance qu’avant. Normal quand on sait que ce vote blanc n’a aucune influence sur les résultats. Quand le vote blanc représentera plus de 50% des électeurs et l’abstention 4%, alors peut-être les médias jugeront intéressant d’afficher les estimations du premier très vite. Mais c’est un scénario inenvisageable.
 

– Connaît-on mieux le vrai résultat du vote blanc ?  NON. Aujourd’hui, on dit que le vote blanc, vertueux, est plus important que le vote nul, ordurier et ridicule. Mais sait-on que c’est un coup de dés qui en a décidé ainsi ? Si la demande des sénateurs de laisser les enveloppes vides dans la catégorie des votes nuls – soutenue par les députés UDI le 12 février en séance publique – avait été retenue, le score des bulletins blancs – papier blanc et vierge – aurait été dérisoire et celui du vote ‘nul’ bien plus haut. Depuis toujours, les enveloppes vides ont constitué l’essentiel des bulletins rangés dans la catégorie ‘blanc ou nul’. Suivant où vous les classez vous orientez le résultat. Et pourquoi les députés ont convaincu les sénateurs de rejoindre leur position ? Parce qu’il n’était pas question de mettre à disposition des électeurs des bulletins blancs dans les bureaux de vote, la France en faillite n’ayant plus d’argent, et qu’il fallait penser à ceux qui auraient oublié de venir avec leur propre bulletin blanc. L’enveloppe vide était la sortie de secours.

– L’électeur ne se laisse-t-il vraiment pas aller à voter blanc sans raison quand on ne le tente pas avec des bulletins blancs officiels posés à côté des autres bulletins ? NON. L’info plus bas comparant la France et l’Inde développe cette réponse.
 France 4,04%* – Inde 1,1%

Point commun entre la France et l’Inde cette année, l’inauguration d’un vote blanc compté en tant que tel. En Inde, aux élections législatives d’avril-mai, les électeurs indiens ont trouvé sur leur bulletin une case NOTA (pour aucun des candidats). En France, le vote blanc, pour la première fois, était séparé des bulletins nuls. Dans les deux pays, ce vote ‘blanc’ ou ‘NOTA’ restait exclu des suffrages exprimés.





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L’Association écrit au nouveau président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde (novembre 2014)
 

Monsieur le Président,


Nous apprenons avec plaisir que l’UDI a désigné son nouveau président en votre personne. Les défenseurs du vote blanc sont attachés à l’évolution du courant centriste puisque depuis 1990, c’est lui qui a été le plus actif pour promouvoir un vrai vote blanc, enregistré comme un suffrage exprimé.

Malheureusement, le premier acte au parlement de l’UDI de Jean-Louis Borloo aura été de s’aligner sur la position quant au vote blanc très en retrait du parti socialiste, élaborée par Jean-Jacques Urvoas.


Comme vous dites qu’avec vous le centre sera « conquérant », nous espérons qu’il n’aura pas peur de revenir à l’idée que l’électeur est un être majeur à qui l’on peut accorder un poids plus important lors des élections, notamment en ayant la possibilité de refuser l’offre présentée. Dire qu’en cette période de crise générale il faut surprotéger les partis politiques en limitant les suffrages exprimés aux seuls candidats serait un propos frileux et non conquérant.


François Sauvadet nous avait assuré, quand il nous avait consultés en novembre 2012, que la proposition de loi de Jean-Louis Borloo n’était qu’un premier pas en appelant un suivant.  Nous comptons sur vous pour que l’UDI engage ce second pas très vite et revienne aux vraies valeurs de démocratie des centristes.


Nous espérons qu’entre Hervé Morin qui se félicitait dans un tweet le 12 février que la réforme de l’UDI était celle pour laquelle il se battait depuis dix ans et Yves Jégo qui déclara dans l’hémicycle en novembre 2012 : « «Je souhaiterais pour ma part que nous n’en restions pas là et que nous allions vers une vraie comptabilisation du vote blanc dans les élections » votre choix sera vite fait.

Nous attendons donc maintenant un signe fort du nouvel UDI en faveur d’un vote blanc suffrage exprimé.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sincères salutations.