avril 25, 2024

Le travail de réflexion

Lire sur cette page les différentes missions que l’Association s’est fixée depuis le début (1994)

2016, l’Association continue son travail d’argumentation, commencé il y a plus de vingt ans

ANNEE DE REFLEXION

Douze mois sans élection. L’Association pour la reconnaissance du vote blanc va en profiter pour approfondir certaines questions relatives au vote blanc.

Alain Garrigou, professeur en science politique à l’université Paris Ouest-Nanterre, lance le débat dans un article du Monde Diplomatique. Comme nous, il appelle à une avancée substantielle du droit de vote. On lui demandera juste pourquoi il ne dissocie pas dans son texte le vote blanc du vote obligatoire.

LE TROISIEME AGE DU SUFFRAGE UNIVERSEL


Extrait: « Si les bulletins blancs empêchaient de trouver une majorité électorale, les candidats ainsi recalés devraient alors laisser la place à de nouveaux candidats. Cela peut paraître subversif à une cléricature politique dont une bonne partie du travail consiste à prédéterminer une offre électorale en regard de laquelle le suffrage universel équivaut à une ratification des choix faits par d’autres. Certes, la solution du vote blanc comptabilisé comporte les risques de l’incertitude… Les électeurs s’en serviraient peu ? Au moins ne pourrait-on faire de procès en illégitimité pour une participation faible. Les électeurs s’en serviraient-ils massivement qu’ils pourraient créer une crise politique faute de candidats acceptables par une majorité ? Sait-on jamais. »

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CHOC DE CIVILISATION ?

Barbier vs Association pour la reconnaissance du vote blanc


Oui, il faut instaurer le vote obligatoire. Pour une raison presque civilisationnelle. Dans le temps de la conquête démocratique, peu de gens s’abstiennent parce que chacun veut profiter de ce droit nouveau. Dans le temps du confort démocratique, on voit se développer une abstention résiduelle, puis structurelle : « oh, tout va bien » et quand on n’est pas enthousiasmé on peut rester chez soi. Dans le temps de désillusion démocratique, tel qu’on le connaît aujourd’hui, on s’abstient pour combattre, on s’abstient pour détruire, pour décrédibiliser, pour délégitimer l’élu. L’élu n’est plus un élu, il est un résidu, celui qui n’a pas été trop rejeté, en tous cas un peu moins que les autres. Il ne faut pas laisser cette gangrène s’installer dans notre démocratie sinon quelqu’un viendra dire que les élections ne servent plus à rien et qu’il faut en revenir à d’autres systèmes, à l’aristocratie, au coup de force et on retournera à la tyrannie. »

Christophe BarbierL’Express, 16 avril 2015

   
Notre avis : Non, il ne faut pas instaurer le vote obligatoire. Pour une raison de conquête démocratique. Dans le temps de la conquête démocratique, on promet au peuple un outil qui va lui permettre de se faire entendre, d’être l’acteur principal du système représentatif. L’électeur participe parce qu’il y croit. Dans le temps du confort démocratique, les partis politiques qui s’affirmaient au service de la réflexion de l’électeur se disent qu’on peut finalement se passer du libre arbitre de cet électeur. Dans le temps de la désillusion démocratique, tel qu’on le connaît aujourd’hui, on s’abstient parce que le slogan ‘une élection, ça ne sert qu’à désigner un vainqueur’ a vidé de sa portée symbolique l’acte électoral. L’élu n’est plus un élu, c’est le choix des états-majors des formations politiques, untel correspondant moins à ce qu’espérait l’électorat que tel autre. Il faut faire reculer cette facilité des partis à ne penser qu’à la conservation du pouvoir sinon nous reviendrons au Vè siècle quand les derniers empereurs romains n’étaient plus que des Augustule. 
Rien ne sert de combattre l’abstention, il faut faire renaître la participation.




2016, l’Association continue ses échanges avec les acteurs politiques…

Le député PS Stéphane Saint-Andre

UN FAUX AMI ?


Le député socialiste Stéphane Saint-André a déposé une proposition de loi réclamant que le vote blanc devienne un suffrage exprimé. Mais dans la page de La Voix du Nord consacrée à cette initiative, l’élu parle de son intention de présenter une autre proposition de loi, complémentaire, en faveur du vote obligatoire. Mais depuis janvier, on ne voit rien venir. Peut-être que notre courrier lui aura fait comprendre que ce n’est pas une bonne idée.



… et informe sur les initiatives politiques en faveur du vote blanc.

Après la fausse réforme de février 2014, des parlementaires ont senti le besoin, dès 2015, de revenir à l’essentiel, soit la prise en compte comme suffrage exprimé du vote blanc.

LE SENAT REMET LE VOTE BLANC SUR LES BONS RAILS 

On se demandait qui proposerait à nouveau une proposition de loi sur le vote blanc depuis celle (2012) du député François Sauvadet, détournée par son groupe parlementaire pour donner la ridicule réforme électorale du 21 février 2014.
 


C’est donc le sénateur socialiste Roland Courteau qui s’est attelé à la tâche. Il s’est appliqué puisqu’il a rédigé deux textes, un pour les élections en général (lire le premier texte), un second pour l’élection présidentielle qui nécessite une modification de la constitution (lire ce second texte). On aurait aimé plus de hardiesse dans le choix des modalités de sanction que l’on pourrait attribuer au vote blanc, mais étant donné ce que l’on a entendu ces deux dernières années, on peut se dire globalement satisfaits de cette initiative du sénateur Courteau. En effet, ne pas évoquer le vote obligatoire, c’est devenu quelque chose de très rare pour un élu de gauche.

Le sénateur Patrick Abate, du groupe Communiste républicain et citoyen) a affirmé lors d’un débat (21 mai 2015) sur la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription pour les élections régionales de décembre l’attachement de son groupe au vote blanc:
« Ainsi, nous travaillerons sans relâche – avec certains d’entre vous, j’en suis sûr – à la reconnaissance entière du vote blanc. L’étude de sociologie électorale de Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen rappelle que l’abstention peut être vécue comme une expression politique. La reconnaissance du vote blanc doit entrer dans cette dynamique. »


 

L’ASSEMBLEE NATIONALE EMBOITE LE PAS


Il y a donc la proposition de loi du député Les Républicains Frédéric Lefebvre fin juin (voir plus haut le lien qui donne directement sur son texte) et, le 30 juin, une question du député apparenté aux Républicains, Jean-Pierre Vigier:

« M. Jean-Pierre Vigier attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la question de la comptabilisation du vote blanc lors des élections. Annoncée comme une promesse par le Gouvernement, cette comptabilisation n’est pour l’instant que partielle. En effet la loi du 21 février 2014 ne fait que mettre en place un comptage séparé des bulletins blancs sans les prendre en compte dans la détermination des suffrages exprimés. Aussi il lui demande quelles sont ses intentions concernant cette question. » [L’Association pour la reconnaissance du vote blanc ne sait pas à quelle ‘promesse’ du gouvernement fait référence le député.]

Le député du Nord, Jean-Pierre Decool, apparenté UMP, avait déjà posé une question au ministère de l’intérieur, partageant la même préoccupation que le sénateur socialiste, le 14 avril 2015:
« M. Jean-Pierre Decool attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la reconnaissance du vote blanc dans les suffrages exprimés. Depuis le 1er avril 2014, les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés en tant que tel au procès-verbal. Cette mesure vise à prendre en compte les votes des électeurs ne trouvant pas satisfaction dans les programmes politiques ou les candidats proposés. Cependant, malgré les avancées, les bulletins blancs ne sont toujours pas comptabilisés dans les suffrages exprimés. Les résultats d’une élection à la majorité absolue pourraient ainsi dépendre de la prise en considération des suffrages exprimés blancs et nuls. En conséquence, il l’interpelle afin de savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de comptabiliser les bulletins blancs dans les suffrages exprimés. »


Pour tous ces textes et autres documents, consulter notre banque de données.



LE MINISTERE DE L’INTERIEUR CONTRE VOTE OBLIGATOIRE ET  VOTE BLANC


Le ministère répond non au vote blanc comme suffrage exprimé

« UNE REPONSE AU PHENOMENE ABSTENTIONNISTE » (!!)

 

C’est ainsi que le ministère de l’intérieur idéalise la réforme de février 2014, distinguant les bulletins blancs des bulletins nuls. Le député Jean-Pierre Vigier (LR) avait adressé une question écrite au ministère en juin 2015 pour souligner l’inaccomplissement de la mesure puisque le vote blanc reste exclu des suffrages exprimés. Le 15 mars 2016 (9 mois d’attente !) le ministère répond imperturbablement ce qui a été placé en titre. Trois élections ont eu lieu depuis février 2014 et on n’a pas constaté une influence de cette distinction sur l’abstention.

Pour le reste de la réponse, le ministère reprend les arguments éculés: le vote blanc reconnu compliquerait le dépassement du seuil nécessaire pour accéder, dans certaines consultations, au second tour. Et à la présidentielle, ça pourrait empêcher qu’un candidat l’emporte.
On a déjà dit et répété qu’il suffit de baisser les seuils des élections concernées et qu’un troisième tour en 1995 ou en 2012 n’aurait pas été scandaleux. Quoi qu’il en soit, la « réponse au phénomène abstentionniste » ne pourra pas bénéficier à la présidentielle de 2017 puisque la réforme de 2014 ne s’applique pas à ce scrutin.


Le député Frédéric Lefebvre (LR), qui a posé une question très proche au même moment, n’a toujours pas eu droit à une réponse.




L’Association replace dans un contexte plus large la question du vote blanc

NOUS VOTONS COMME NOS ARRIERE-GRANDS-PERES

C’est le 29 juillet 1913 que le code électoral a été modifié pour rendre les électeurs plus autonomes en introduisant dans les bureaux de vote les premiers isoloirs et les premières enveloppes. Mais la mise en pratique a été effective aux mois d’avril et mai, pour les deux tours des législatives de 1914. Nos arrières grands-pères ont donc pu voter avec moins de pression. Mais ils n’ont pas été considérés comme des êtres assez responsables pour être dignes de pouvoir déposer un vote blanc qui aurait été intégré aux suffrages exprimés. Le législateur en est resté à la position du monarque absolu Napoléon III de 1852.


Depuis cent ans, rien n’a changé. La Grande Guerre a homogénéisé la France mais un siècle plus tard, si le vote a été étendu à de nouvelles populations (femmes, 18-20 ans, citoyens européens), il n’a pas été approfondi. En 2014, le citoyen ne peut pas faire plus preuve de libre arbitre que ses ancêtres d’avant la boucherie.