Les adversaires du vote blanc ne le combattent plus par le mépris mais par une bienveillance paralysante. La représentante du groupe Renaissance – la députée Marie Guévenoux – ouvre son propos par un : « Voter blanc à une élection ce n’est pas un acte anodin. » On ne peut donc pas le censurer. Non, mais on peut le laisser dépérir dans les oubliettes du château. Renaissance ne donnera pas suite à la proposition du groupe LIOT parce qu’il faut une réflexion complète sur les institutions et que celle-ci vient d’être engagée par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. En effet, depuis la mi-mai, elle a lancé des rencontres concernant les différents présidents de groupe afin de trouver une voie pour une réforme institutionnelle beaucoup plus large. Tout le monde sait que cela n’aboutira qu’à du verbiage mais c’est une pratique très courante dans les travées du pouvoir. La proposition LIOT est d’ailleurs trop radicale pour les gens de Renaissance à cause de la menace de prolonger une consultation électorale si les bulletins blancs dépassent les 50%.[1]
Yaël Braun-Pivet va devoir parvenir à trouver la quadrature du texte : montrer que le vote blanc « n’est pas un acte anodin » tout en considérant que l’inclure dans les suffrages exprimés va « considérablement fragiliser les collectivités tout comme notre assemblée par le risque d’être privées d’élus. » selon Marie Guévenoux, qui n’a pas peur du ridicule. Il faut entendre le vote blanc tout en le faisant se taire.
On pouvait espérer en ce début de discussion à la commission des lois, que les partis favorables au vote blanc allaient soulever cette hypocrisie. Erwan Balanant était présent… Mais c’est Elodie Jacquier-Laforge du MoDem qui prend la parole. Elle exprime le désarroi de cette formation politique. Son chef historique a plusieurs fois annoncé sa volonté de faire passer la reconnaissance du vote blanc ; notamment lors de la campagne présidentielle de 2012 où il avait promis, en cas de victoire, qu’il organiserait un référendum avec notamment comme question celle du vote blanc devenant un suffrage exprimé. Mais parmi les députés MoDem actuels, il y a le patriarche Jean-Louis Bourlanges qui est outré par l’idée du vote blanc. Il l’avait clamé en 2018 en écho des propos injurieux de Richard Ferrand à l’Assemblée déjà et l’avait répété à d’autres occasions dans la presse. A la députée Jacquier-Laforge le rôle d’équilibriste : « Le groupe démocrate soutiendra toujours les propositions qui permettent aux électeurs de se prononcer sur l’offre politique, d’accomplir leur devoir de citoyens.
NEANMOINS, le Conseil constitutionnel a identifié quelques fragilités notamment pour le calcul d’attribution des sièges à la proportionnelle. Mais le groupe démocrate reconnaît que la demande émanant des citoyens pour la reconnaissance du VB… » Sa prise de parole se termine dans la confusion. Quand plus tard Erwan Balanant interviendra, ce sera pour être à son tour confus. Certes, il est clair quand il se réjouit que la proposition de loi demande que des bulletins blancs soient présents dans les bureaux de vote, mais quand il dit qu’il faudrait que ces bulletins blancs soient comptés par rapport au nombre d’inscrits, on ne comprend plus très bien. Est-ce qu’eux seuls seront ainsi quantifiés ou le résultat des candidats seront eux aussi lus ainsi ?
Tournons-nous donc vers les écologistes. C’est Charles Fournier, venu de la commission des affaires sociales, qui est venu les représenter. Et, tel un bon socialiste définit dans le numéro précédent, il nous explique qu’aujourd’hui il faut dépasser le moment de l’élection et se consacrer à la démocratie participative : « Ce n’est pas en changeant le thermomètre que nous allons régler le problème profond de notre démocratie. J’appelle plutôt à travailler sur une démocratie continue pour sortir d’une démocratie de délégation. » Et il va tomber dans le ridicule en trouvant que fixer à 50% le moment où le vote blanc annule un tour d’élection c’est trop dangereux et qu’il faut plutôt monter à 60% (le rapporteur Saint-Huile jugera l’idée judicieuse). Il trouve les mots pour enrober sa tartufferie : « Les écologistes sont depuis longtemps favorables à la reconnaissance du VB. Même s’il faut raison garder » (!) Obtenir l’égalité pour tout citoyen déposant un bulletin dans l’urne est donc déraisonnable. Cela doit s’appeler le cartésianisme écologiste.
La représentante socialiste aurait pu paraître plus intéressante. Marietta Karamanli concède que « cette réforme pourrait constituer une avancée. » Mais à présent, nous nous méfions de ces introductions mielleuses. Nous avons raison ; « cela fait courir le risque d’entraîner le succès électoral du vote blanc et par là-même la fragilisation de l’ensemble du système politique français. » Et le penchant socialiste selon lequel ce n’est pas un aspect concret comme le vote blanc qui est important revient dans sa bouche : « Il manque une dimension essentielle qui est l’analyse qualitative de la désaffection et de la baisse de la participation. Avec le vote blanc on s’attaque à l’aspect quantitatif et on laisse de côté la dimension qualitative. » On devine que ce qualitatif c’est la volonté des citoyens de participer aux décisions entre deux tours d’élection.
Avec Marietta Karamanli, on s’aperçoit qu’un député ne lit pas toujours très bien le texte discuté. Elle dit que c’est inutile de multiplier les tours d’élection avec toujours les mêmes candidats. Ce n’est pas ce que dit la proposition de loi. Le représentant du groupe Horizon l’a mieux compris. Mais c’est là qu’il trouve le défaut qui tempère l’enthousiasme pour le vote blanc qu’il avait voulu nous vendre au tout début. Didier Lemaire s’inquiète. Si la première fois le vote blanc force à un troisième tour avec de nouveaux candidats, lors de ce tour supplémentaire il se pourrait que le vote blanc reste élevé sans pouvoir empêcher cette fois-ci qu’il y ait un vainqueur. Quid de la légitimité de ce vainqueur ? C’est le nombrilisme de nos parlementaires. Le scénario échafaudé par le député aboutirait à la situation que l’on déplore déjà aujourd’hui. Les élus ont peur pour eux-mêmes et ne pensent qu’à cela. Le fait que le vote blanc reconnu permette aux citoyens de voter plus sincèrement, mette à égalité tous les électeurs, ne leur vient pas à l’idée. C’est cet égocentrisme qui les éloigne de la population mais c’est à cet égocentrisme qu’ils s’accrochent comme à une bouée de sauvetage pour sauver leur crédibilité.
Nous trouverons un discours conforme au vote blanc que nous défendons chez le représentant communiste. Nicolas Sansu rappelle que la réforme de 2014 a montré ses limites, qu’il est pour la partie vote blanc de la proposition de loi et contre la partie vote obligatoire. LFI est favorable à cette obligation. Nous mettrons toutefois dans notre escarcelle deux phrases d’Ugo Bernacilis : « Si on comptabilise le VB sans prévoir la moindre conséquence, cela ne sert à rien d’en discuter. » « Que les électeurs modifient leur vote lors d’un 3è tour ou pas, et alors ? LE SOUVERAIN RESTE LE PEUPLE. »
LE RN S’INITIE AU VOTE BLANC ET LE REJETTE
Jusqu’à présent nous n’avions aucune position d’extrême droite sur le vote blanc. Avec ce débat en commission, c’est fait. On constate que le sujet n’a pas été travaillé au niveau national et chacun encore y va de son inspiration personnelle. Cécile Untermaier n’est pas emballée. Pour elle, l’article 1 de la proposition de loi sur le vote blanc est texte de contrainte, tout comme le vote obligatoire. Elle préfèrerait parler de vote à 16 ans ou de vote par correspondance. Sa collègue Marie-France Lorho n’est pas aussi négative, mais pour arriver à une conclusion très proche. L’apparition du vote blanc dans les scrutins lui paraît « cruciale ». Mais elle rejoint la peur de la plupart des élus, celle de la « paralysie des institutions ». Et elle ajoute que l’organisation de nouveaux tours d’élection entraînerait aussi « d’importantes charges financières, qui incomberaient à l’Etat et donc aux contribuables français. » Elle conclue en disant qu’ils déposent un amendement pour obtenir ce qui existe déjà : « Nos amendements soutiendront la reconnaissance du VB à défaut de les hisser à la même hauteur que les votes des prétendants à l’élection en lice. » (phrase mal formulée). Comme elle pense que le vote blanc à 50% peut arriver, elle s’oppose à l’annulation du vote quand ces bulletins dépassent les 50%. Quant à Pascale Bordes, elle développe un raisonnement qu’elle seule peut comprendre : « A partir du moment où l’électeur a fait la démarche de se déplacer, ce qui, en secteur rural, est parfois compliqué, il est inconcevable d’affirmer dans une démocratie qu’il s’agit d’un vote inexistant. Annuler l’élection serait nier la volonté des électeurs [?] Ce serait un acte profondément anti-démocratique. »
[1] Comment imaginer que les électeurs auront la patience d’attendre pour faire entendre leur mécontentement de peser plus de 50% des suffrages. Ils auront cassé des vitrines bien avant.