avril 19, 2024

Quel seuil pour le vote blanc ?

DONNER UN POUVOIR DE SANCTION AU VOTE BLANC

Le vote blanc doit être enregistré dans la catégorie des suffrages exprimés. Il faut également que des bulletins blancs soient présents sur les tables des bureaux de vote. Cela permettra enfin une vraie distinction entre bulletins blancs et bulletins nuls. Il ne s’agira plus de dire que le vote blanc regroupe ceux qui ont consciemment gaspillé leur vote tandis que le vote nul réunit ceux qui se sont trompés. Cette dernière assertion est fausse et c’est pour brouiller le débat qu’elle est maintenue. Avec des bulletins blancs officiels déposés dans les lieux de vote, on aura des électeurs qui ne se sont pas retrouvés dans l’offre proposée et qui l’auront dit en restant dans les règles de l’élection face à d’autres électeurs, dans la même situation, mais qui auront choisi de personnaliser leur vote.
Dans une telle configuration – vote blanc intégré aux suffrages exprimés et bulletins blancs présents dans les bureaux – les résultats du vote blanc devraient être largement et systématiquement supérieurs à ceux du vote nul. A une autre condition toutefois. Que le vote blanc ait un pouvoir de sanction lisible et envisageable. Tout dépend à ce stade de la réflexion de la confiance que l’on accorde à l’électeur. Soit on continue à le considérer comme un être immature qui a besoin d’être encadré de près pour ne pas commettre de bêtises, soit on voit enfin en lui l’élément essentiel de notre démocratie représentative et on attend de lui de l’exigence.


Souvent, les défenseurs du vote blanc se contenteraient d’une version contraignante à la marge. Pour eux, si les bulletins blancs dépassaient les 50% ou si leur score était supérieur à ceux de tous les autres candidats, une nouvelle élection devrait être convoquée, avec de nouveaux candidats. C’est vouloir rester dans la dimension symbolique selon laquelle, certes, dans l’absolu, le citoyen électeur mérite de s’entendre dire que sa volonté peut renverser les plans des états-majors des formations politiques, mais dans la réalité cela doit rester pratiquement impossible. On a vu un tel scénario aux législatives d’Oulianovsk en Russie en 2004, ou aux municipales de la ville colombienne de Bello en 2010, mais ce sont des cas isolés et qui ne concernent pas une élection présidentielle. Et si la barre est ainsi trop haute, les électeurs mécontents préfèreront toujours s’abstenir – ils seront mieux entendus – que voter blanc. Les résultats de l’abstention sont régulièrement élevés, voire très élevés. 15% est un score très bas pour l’abstention quand c’est le double ou le triple de ce que peut atteindre le vote blanc quand il flambe au niveau national. Dire que l’on reconnaît le vote blanc en ne lui accordant qu’une résonnance égale à celle d’un pet de lapin dans la garrigue montpelliéraine, c’est le laisser aussi eunuque qu’il n’est aujourd’hui. C’est ce qu’ont dû ressentir les électeurs de gauche aux dernières consultations régionales, dans les deux régions où le Parti socialiste s’était retiré, quand ils ont voulu signifier leur désaccord. Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le pourcentage de bulletins blancs ou nuls a doublé d’un tour à l’autre tandis que l’abstention baissait sensiblement. Pourtant, avec près de 39% du corps électoral, ceux qui sont restés chez eux ont été 5 fois plus nombreux que ceux qui sont allés déposer un bulletin blanc ou un bulletin nul. On a le même phénomène en PACA, avec une ampleur dans les variations un peu plus grande.

Un pays sera-t-il paralysé si pendant quelques mois aucune majorité politique ne s’est imposée ? C’est donner beaucoup plus d’importance qu’il ne se doit au rôle d’un gouvernement. Une économie, une culture, une société a sa propre dynamique, sa propre inventivité. Et quand il y a de grandes orientations à prendre au niveau politique, autant que cela soit fait par une équipe qui a une réelle légitimité et non une légitimité arrachée juste au-dessus des 50% après avoir éliminé tout ce qui aurait pu empêcher que ça se produise de façon systématique. Conserver l’obligation de la majorité absolue pour décrocher le pompon de l’Elysée malgré le vote blanc devenu un suffrage exprimé, un pays ambitieux l’accepterait, la France d’aujourd’hui y rechignera.

Quel niveau de sanction, donc, à chaque élection pour le vote blanc ? Le député UMP Jacques Remiller l’avait fixé à 30% dans une proposition de loi de 2010.  Faudrait-il descendre cette barre encore plus, la remonter entre 30 et 50% ? Il ne faut pas qu’elle soit trop facile à atteindre mais il faut aussi qu’elle reste atteignable. Le débat est ouvert.

31 mars 2010

Jacques Remiller dépose une proposition de loi
sur le vote blanc
PROPOSITION DE LOI, déposée le 24 mars 2010

tendant à reconnaître le vote blanc et à annuler le scrutin s’il y a plus de 30% de bulletins blancs dans les urnes.
présentée parJacques REMILLER,
député.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Dans une démocratie, l’exercice du droit de vote est un acte civique de la plus haute importance. Il traduit en effet l’engagement de chaque électeur et témoigne aussi de l’assise populaire des institutions. Cette affirmation est d’autant plus cruciale qu’en France, l’exercice du droit de vote est intimement lié à la citoyenneté.
Jusqu’à maintenant, l’article L. 66 du code électoral assimile les bulletins blancs aux bulletins nuls. Cette confusion, née de la volonté du législateur, ne correspond plus à la réalité électorale, ce que montre bien d’ailleurs la loi du 30 décembre 1988 relatives aux machines à voter qui prévoit l’enregistrement et la totalisation du vote blanc!
Alors que les Français se sont massivement abstenus lors des élections régionales de 2010, et qu’une fois de plus, nombreux sont ceux qui se sont tournés vers les extrêmes pour manifester leur mécontentement, il est urgent de prendre des mesures afin que les Français puissent pleinement s’exprimer.
Un bulletin blanc n’est ni une abstention, ni un vote nul. Il marque au contraire un choix, une volonté politique déterminée, de participer au vote. Chaque électeur doit avoir ainsi le moyen d’exprimer son opinion; celle que l’offre politique du moment ne correspond pas à son choix.
Par ailleurs, il est proposé de prendre en compte ce vote blanc en annulant le scrutin si 30% des votes sont blancs, car alors les élus n’auraient qu’une légitimité très relative.
Tel est l’objet de la proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er
Le troisième alinéa de l’article L. 65 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les bulletins blancs sont décomptés séparément et entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés. »

Article 3
Dans le premier alinéa de l’article L. 66 du même code, les mots : « blancs, ceux » sont supprimés.

Article 2
Après le premier alinéa de l’article L. 58 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire dépose sur cette même table des bulletins blancs en nombre correspondant à celui des électeurs inscrits. »

Article 4
L’article L. 56 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée:
« S’il y a plus de 30% de bulletins blancs dans les urnes, le scrutin est annulé et reporté au dimanche suivant ».

Prise de position. Evaluer le niveau de sanction du vote blanc

Page consacrée à des réflexions sur le pouvoir de sanction à donner à un vote blanc devenu un suffrage exprimé.

Tout d’abord, proposition de l’association anglaise NOTA UK dans un article intitulé : « Qu’arriverait-il si l’option NOTA gagnait ? ». Après ce texte, prise de position en de Mehdi Guiraud, ancien président du Parti Blanc (2007) et notre réponse.

Voici notre traduction de l’article anglais:
Lire le texte en version originale


Ce message clarifiera, nous l’espérons, une question qui, il y a peu, s’est imposée au premier plan au moment du recent regain d’intérêt pour notre champagne.
De loin, la question la plus courante posée par les gens quand ils échangent avec nous est : Mais que se passerait-il si NOTA ‘l’emportait’ ?”
Tout d’abord, tout dépend de la façon dont NOTA est mise en œuvre. En Inde, par exemple, En Inde, par exemple, il y a, comme nous aimons l’appeler une option NOTA ‘light’, du NOTAlight, ou faux-NOTA [‘faux’ en français dans le texte]. Dans ce scénario, NOTA n’est qu’une protestation symbolique sans conséquences formelles sur le résultat s’il ‘gagne’. En d’autres mots, meme si NOTA était le vote le plus conséquent, rien ne se passerait. Le candidat arrive juste derrière prendrait ses fonctions quoiqu’il en soi.
Il est difficile d’en voir l’enjeu. Sans ‘dents’, il n’y a pas plus de motivation pour des électeurs désabusés de marquer leur désaccord de cette manière que s’il n’y avait pas du tout de case NOTA. It is difficult to see the point of this. Ceci, selon nous, explique pourquoi l’option NOTA n’a obtenu que 1,1% aux dernières législatives nationales.
Pour exercer un réel effet de contrôle et de contrepoids sur le système, on devrait envisager des conséquences formelles dans le cas d’une victoire de NOTA. Plus particulièrement refaire l’élection (à l’échelle nationale le cas échéant) ou dans les circonscriptions où le vote blanc a été premier.
C’est ceci un NOTA avec des dents, ce pour quoi nous menons campagne. S’il est appliqué de cette manière, nous sommes surs que des millions de gens qui actuellement se sentent sous-représentés dans les résultats des urnes seraient remotivés. Ceci, en lui-même, pourrait être suffisant pour déclencher un nettoyage organique dans le monde politique, par le fait que les députés et les partis politiques seraient obligés d’essayer de gagner en incluant ces nouveaux électeurs potentiellement motivés et non en se limitant à leurs supporters acquis.
La prochaine question qui s’impose maintenant est:: “Mais l’organisation d’une nouvelle élection ne va-t-elle pas tourner au cauchemar logistique ?”
C’est une question légitime. A NOTA UK nous avons mis au point une proposition que nous sentons pouvoir couvrir toutes les hypothèses et être la solution la plus équitable et la plus pratique.
Notre proposition est que, pour combattre l’instabilité politique et la fatigue des électeurs, au lieu d’avoir un nouveau tour d’élection (si NOTA a gagné à l’échelle nationale) et/ou des élections immédiates dans les circonscriptions ou NOTA aura été premier, le parti ou le candidat arrivé deuxième serait autorisé à prendre la charge temporairement pour six ou douze mois pendant que la mise en place d’une nouvelle élection soit prête.
Quelques personnes ont exprimé leur scepticisme au sujet de cette proposition donc je pense qu’il est important d’en expliquer la raison d’être.
Il y a deux points que l’hypothèse de la nouvelle élection soulève : la fatigue des électeurs et l’instabilité politique.
Certains ont avancé que la nouvelle élection immédiate serait mieux. Nous pensons que la fatigue des électeurs serait un réel problème pour ce scénario. Il est déjà assez difficile de faire se déplacer les gens pour voter une fois tous les deux ans, alors leur demander de le faire deux fois de suite est probablement un pont trop loin. La probable conséquence serait un fort taux d’abstention, biaisant le résultat de façon significative, profitant même peut-être à un parti ou un candidat qui avait eu un mauvais résultat au premier tour. Pour cette raison, il nous semble que cela a plus de sens d’accorder un délai.
Ensuite, il y a le thème de l’instabilité politique. La plupart des électeurs sont d’accord pour dire qu’il n’y a pas de droit d’avoir un parlement vide ou des sièges vides avec personne ne représentant leurs intérêts en attendant que la nouvelle élection soit mise en place. Il deviendrait donc logique qu’un gouvernement ou des députés tiennent le bastion, pour ainsi dire.
D’autres ont suggéré que si NOTA gagnait les élections, les substituts devraient être des non-professionnels et des administrateurs indépendants, appelés fonctionnaires [civil servants], plutôt que des politiciens rejetés appartenant à des partis politiques rejetés. C’est une belle idée mais cela pose quelques questions : En toute honnêteté, qui est vraiment indépendant et extérieur à toute influence politique ? Et quels électeurs accepteront des gens, accédant au pouvoir, même temporairement, sans avoir été choisis par eux au premier tour ?
Pour cette raison, il nous semble qu’il serait encore plus raisonnable de permettre à celui ou celle qui aura eu le plus de votes derrière l’option NOTA d’entrer en charge, mais pour un temps court, pas plus de douze mois, en attendant que la nouvelle élection soit organisée.
Ceci, bien évidemment, ne plaira pas à tout le monde. Mais cela nous paraît le meilleur compromis possible une fois toutes les considérations prises en compte. Le substitut, celui qui aurait bien réussi le premier tour, aurait la chance de se montrer digne du second tour, tandis que ses opposants auraient l’opportunité de se regrouper.
La chose importante à ne pas oublier, c’est que tous les candidats auraient sûrement à cœur de s’adresser aux électeurs ‘NOTA’ pour tenter d’emporter leur adhésion au risqué d’encourir un rejet encore plus grand dans les urnes.

Jamie Stanley
NOTA UK
11/12/14

Texte de Mehdi Guiraud

Par le passé la reconnaissance du vote blanc a souvent été citée par François Bayrou. En effet, outre le vote obligatoire -pas cité ici-, Le président du Modem considère que pour être élu, un candidat doit faire un score supérieur à un autre candidat plus le vote blanc… sauf qu’évidemment dans ce cas 2% de bulletins blanc peuvent annuler une élection si l’autre candidat est à 49%. Ce qui est absurde convenons-en…

Maintenant s’il veut revoir sa copie, je serais le premier à applaudir de mes deux mains et de mon bulletin de vote. En attendant voici ce qui me parait être le fondement de la comptabilisation des bulletins blancs : un vote révocatoire.
Un vote révocatoire, qui, s’il est majoritaire (c’est à dire que le décompte des bulletins blancs est supérieur au nombre de bulletins du meilleur des candidats) remet en cause les candidats et donc l’élection. Les candidats sont inéligibles pendant un an et une élection est provoqué dans les trois à six mois comme cela se passe habituellement (annulation de scrutin pour fraude).
La proposition peut être discutée, débattue et je vous encourage à le faire. C’est à mon avis du bon sens, et cela provient de plus de dix années à militer pour la reconnaissance du vote blanc.

Notre réponse

Depuis le début, l’Association pour la reconnaissance du vote blanc refuse de prendre une position ferme sur les conséquences du vote blanc devenu un suffrage exprimé. Mehdi Guiraud (ex président du Parti blanc) semble découvrir la notion de suffrage exprimé dans la formulation: « le président du Modem considère que, pour être élu, un candidat doit faire un score supérieur à un autre candidat plus le vote blanc. » D’a^rès nous, il y a de nombreuses façons de transformer en vote sanction le vote blanc, et vouloir en choisir une maintenant c’est finalement entraîner des luttes de chapelles entre défenseurs du vote blanc. Voilà pourquoi le Manifeste du vote blanc, reprenant notre discours habituel, commence par le respect du principe d’égalité ‘Un homme/une voix’ qu’il faut rétablir en reconnaissant le vote blanc. Autant nous sommes contre la politique aux petits pieds qui consiste à demander d’abord la distinction entre bulletins blancs et bulletins nuls avant d’en arriver au vote blanc à égalité avec les suffrages nominaux, autant il paraît plus lucide d’obtenir la prise en compte effective des bulletins blancs et ensuite voir comment on adapte les pratiques à cette nouvelle réalité. Certes, cela se ferait sûrement dans la foulée, mais ce serait aux institutions de s’adapter et non au vote blanc de composer. Prenons un exemple, celui qui passionne tout le monde – l’élection présidentielle. Aujourd’hui, la constitution réclame la majorité absolue pour l’emporter au second tour. Aux institutions de voir si elles gardent ou non cette exigence. Si elles le conservent, Jacque Chirac n’aurait pas été élu en 1995 (c’est également le cas pour François Hollande en 2012, mais comme nous avons plus de recul dans le premier exemple, nous nous limiterons à celui-ci). Il a pourtant 5% de voix en plus que son adversaire Lionel Jospin. Mais près de deux millions d’électeurs ont voté blanc ou nul ce qui le ramène de peu sous la barre des 50%. « Absurde? », nous n’enconviendrons pas. N’a-t-il pas été plus absurde de déclarer vainqueur quelqu’un qui paralysera le pays par une mesure mal menée deux ans plus tard et finira dans le fiasco d’une dissolution ? En 2002, qu’est-il le plus absurde, qu’aucun candidat ne l’emporte ou qu’un des deux triomphe à plus de 80% des voix ?

Mais pour autant, faut-il s’accrocher et garder la majorité absolue à la présidentielle pour accepter de soutenir un gouvernement qui présentait un projet de loi favorable au vote blanc ? S’il préfère baisser la voilure et demander la majorité relative au second tour, pourquoi refuser ? La sanction serait moins forte mais un président élu avec moins de 50% devrait en tenir compte, sauf si cela devait devenir monnaie courante. Dans ce cas, il serait toujours temps de réclamer l’annulation de l’élection à partir d’un seuil donné. Certains réclament 50%, d’autres, comme le député Remillet en 2010, 30%. Dans les deux hypothèses, c’est beaucoup et très rarement atteignable. Mehdi Guiraud s’illusionne avec son vote révocatoire, croyant que le vote blanc franchira facilement des pourcentages à deux chiffres – surtout quand c’est tous les cinq ans que les indignés s’indignent. Les exemples espagnols, suisses et scandinaves nous démontrent que la réalité est autre.

Donc ‘non’ à ces querelles byzantines sur le mode révocatoire du bulletin blanc. Ne faisons pas les difficiles comme le héron de La Fontaine au risque de rester bredouilles.