Le vote blanc sur France Culture
« TROP DE DEMOCRATIE TUE LA DEMOCRATIE » ( !?)
Décidément, France-Culture s’abonne au vote blanc. Après une émission en août (voir plus bas), en voici une en septembre. Dans une semaine consacrée au ‘blanc’, la quotidienne ‘Les nouvelles vagues’ s’est penchée le lundi 29 septembre sur le vote blanc. Invitée, Anne Muxel, du CEVIPOF. Pas beaucoup d’audace, donc, dans la maison ronde. Au tout début de l’Association, nous étions partis, Michel Dion et moi, à la rencontre d’universitaires. Nous avions pris rendez-vous avec cette Anne Muxel. Elle avait l’air surprise que l’on s’adresse à elle, elle étudiait plus particulièrement le vote des femmes. Aujourd’hui, elle n’a pas décliné l’invitation de France-Culture et pourtant elle n’a pas accordé beaucoup plus de temps à la question du jour. Les chercheurs du CEVIPOF sont ainsi faits.
D’ailleurs, dès le début, elle reconnaît qu’il y a peu eu d’études sur le vote blanc. Les travaux se sont plutôt orientés vers l’abstention, la mobilité électorale ou l’indécision. Marginal dans les études, le vote blanc ne l’est pas dans les urnes, ajoute-t-elle, faisant allusion au score de la présidentielle de 2012.
A partir de là, Anne Muxel joue son rôle de CEVIPOF, soit être la voix du ministère de l’intérieur. Pour elle, voter blanc c’est le droit de ne pas choisir (contre le droit de ne pas voter pour l’abstention). Il exprime un malaise, un mécontentement. Ces deux mots peuvent être interprétés de deux façons opposées. Soit on considère que c’est sain, soit on y voit un danger. Anne Muxel se place dans la seconde catégorie. On le comprend déjà quand elle dit que plus il y a de diversité plus les citoyens disent ne pas se reconnaître dans le choix. On est dans la version de l’électeur contradictoire, enfant gâté. Anne Muxel n’évoque jamais l’hypothèse d’un vote blanc qui sanctionne son propre camp et non toute la représentation dans son ensemble ; ne pas choisir quand on a pléthore de candidats peut signifier que l’on n’accorde pas sa voix au premier gadget venu parce qu’on donne un sens à son vote.
La journaliste – plutôt pertinente dans ses interventions – relance d’ailleurs l’universitaire sur cet aspect de la question. Elle lui demande si la défiance signifie obligatoirement le fait de ne pas être concerné. Elle continue en ajoutant que l’on a peut-être des citoyens au contraire concernés par la vie politique qui, en votant blanc, disent que c’est parce que ça les intéresse qu’ils manifestent un mécontentement. Anne Muxel concède que la politisation augmente. Selon elle, les citoyens sont plus cyniques, plus méfiants mais ils s’intéressent et prennent parti.
La journaliste passe à la réforme électorale de février. Pour Anne Muxel, l’Etat, ainsi, reconnaît qu’il peut y avoir un mécontentement légitime. C’est positif en démocratie de l’admettre. Mais ça peut déboucher selon elle sur des blocages et les institutions n’y sont pas prêtes. Elle parle du Pérou où l’élection est à recommencer si le vote blanc atteint les 2/3 des électeurs ; pour elle, c’est comme un droit de véto. La journaliste insiste sur ce point en disant que ce véto peut être intéressant. Anne Muxel ne dit pas non, mais du bout des lèvres. On peut aller vers plus de démocratie représentative, de démocratie directe. On peut prendre ce risque, continue-t-elle, mais ça peut aboutir à des situations chaotiques. Elle craint même que la démocratie soit en péril et que ça prépare le retour de régimes autoritaires. Ni plus, ni moins. Attention défenseurs du vote blanc, vous faites le lit de la dictature (ceci, c’est moi qui le rajoute). Et c’est là qu’elle lâche la phrase qui j’espère fera tomber les bras à plus d’un : « TROP DE DEMOCRATIE TUE LA DEMOCRATIE ». Dommage que le prix ‘vote blanc’ de la Crétinerie d’Or 2014 ait déjà été décerné ; elle devenait une concurrente très sérieuse. Elle conforte ce propos qu’un ministre de l’intérieur n’oserait prononcer même s’il le pense très fort en disant qu’il faut plus de démocratie sans mettre en péril la démocratie. Il faut se demander jusqu’où on peut tolérer la remise en cause de la représentation démocratique.
La journaliste glisse que ça peut se faire sans vouloir faire exploser le système. Anne Muxel n’en disconvient pas mais, elle y tient, c’est un risque. Tout repose donc sur la confiance que l’on a des électeurs. Si ceux-ci se défient du personnel politique, ce dernier le lui rend au quintuple et est soutenu sans ambages par Anne Muxel. Elle approuve le fait que la réforme de février n’ait pas voulu mettre à disposition des votants des bulletins blancs officiels.
Pourtant, quand la journaliste lui demande si on a le profil de l’électeur ‘blanc’, Anne Muxel en fait un portrait plutôt flatteur. Il a un niveau d’éducation élevé et pour lui voter est un devoir de citoyen. Il se plie à la norme démocratique. Que craindre donc de telles personnes sommes-nous tentés de lui demander ? Surtout que c’est un vote intermittent et cet électeur à d’autres consultations vote pour un candidat.
Pour la répartition géographique, Anne Muxel dit qu’elle ne sait pas, parce que jusqu’à présent les ‘blancs’ étaient mélangés aux ‘nuls’ et donc il y avait confusion. [Voir plus haut le vote des grands électeurs] C’est plutôt que le CEVIPOF n’a jamais eu envie de creuser la question. Au moins, elle n’aura pas repris la version Lancelot/Perrineau de l’électeur ‘blanc’ rural cédant à la pression de son environnement.
La journaliste n’est toujours pas convaincue par le pessimisme de son invitée et avance que celui qui vote blanc peut ne pas vouloir attenter à la légitimité des représentants mais faire part de son désir profond d’un renouvellement des gens en place. C’est plus une projection vers l’avenir qu’une destruction des institutions. Anne Muxel dit que ce n’est pas un combat pour mettre en place d’autres personnes (sans dire sur quelle étude elle se base). Elle en reste à son incantation. La massification du vote blanc bousculerait beaucoup les institutions mais aussi les comportements, les représentations, les façons d’être. Selon elle, en bonne ministre de l’intérieur potentielle, si on faisait du vote blanc un suffrage exprimé, ce serait sur le pari que celui-ci resterait cantonné à un faible pourcentage. Dans cette hypothèse, il faudrait que par voie juridique et constitutionnelle des situations de contrôle soient mises en place pour éviter la prolifération du vote blanc.
L’électeur est donc un personnage foncièrement dangereux. Vive la démocratie !